AncreLe Kung Fu / Wushu

En Occident, les arts martiaux chinois sont connus sous le nom de boxes chinoises ou "Kung Fu". Ce dernier terme n’est pourtant pas celui que les Chinois utilisent, lui préférant « Wushu », traduction littérale d’« arts martiaux ». « Kung Fu » est en effet un terme à la portée plus large, désignant ce qui a exigé effort et persévérance. On dit ainsi de quelqu’un qu’il a le « kung fu » (ou "gong fu") lorsqu’il excelle dans sa discipline ou montre une implication totale et constante pour atteindre son objectif.

Le Wushu comprend de très nombreux styles de combat, à mains nues ou armés. Ils ont chacun leurs caractéristiques propres selon leurs exigences techniques ou le contexte géographique et culturel qui les a vu naître. Aucun n’est supérieur à un autre. Les arts martiaux forment une grande famille, comprenant chacun quatre éléments :

- les coups ou techniques de frappe (coups de pied et de poing)

- les projections et techniques de lutte

- les clés de blocage ou saisie

- les chutes ou l’art de se laisser tomber


Ces systèmes de combat auraient été à l’origine développés par des communautés contraintes de pourvoir à leur propre défense dans un pays en proie aux guerres contre des peuples d’envahisseurs et aux luttes intestines.

Au fil des siècles, les arts martiaux ont assimilé différentes philosophies et concepts : les objectifs d’auto-défense sont passés au second plan, au profit d’une discipline corporelle et spirituelle qui a abouti à une véritable méthode d’éducation et de développement. Ils imprègnent toute la culture chinoise qui foisonne de références aux arts martiaux, notamment dans la littérature ou l'opéra dont les troupes itinérantes ont accueilli de nombreux combattants et rebelles.

Au 20e siècle, la Chine populaire s’est de prime abord méfiée des arts martiaux qu’elle jugeait potentiellement subversifs : elle en a interdit la pratique, a fermé les écoles et fait disparaître leur équipement traditionnel avant de percevoir leur intérêt pour exalter le sentiment patriotique. Elle a alors créé une discipline sportive et compétitive : le wushu.


Selon un vieil adage (« Au Nord, ce sont les jambes ; au Sud, les poings » / Nan QuanBei Tui), les nombreux styles de Kung Fu se seraient développés en lien avec les qualités physiques et les modes de vie de leurs pratiquants mais également selon le contexte géographique et climatique... Les vastes étendues du Nord, qui permettaient l’utilisation sans contrainte des jambes lors des assauts, auraient ainsi favorisé un style de combat à longue distance, tandis que les maîtres du Sud, les pieds dans les rizières, auraient mis l'accent sur les techniques courtes mobilisant surtout les poings.


Style Hap Quan (Hop Gar)

Le style Hap Quan 侠拳 est un style de Kung Fu / Wushu qui tire son nom de :

HAP : celui qui défend courageusement les faibles et les opprimés, qui protège le droit et la justice, les causes nobles…

et de QUAN : le poing.


Maître Liang est une héritière directe de ce style enseigné dans très peu d’écoles en Europe. Le Hap Quan se caractérise par des actions simples et efficaces : les coups de poings associent amplitude, rapidité et puissance ; les bonds et retraites sont souples et dynamiques. Il comprend aussi quelques coups et parades courtes pour le combat rapproché.


Une source tibétaine

Le Hap Quan trouverait son origine dans la province du Qinhai, à l’ouest de la Chine, près du Tibet. En 1426, y serait né Ah Dat-Ta (ou "Daidot"). Tout jeune, l’enfant aurait appris à monter à cheval, pratiqué la lutte (Shuai Jiao) et une technique de combat connue de nos jours sous le nom de Chin-Na. À l’adolescence, il aurait été admis au monastère tibétain de Debrung. Il y aurait été initié au Bouddhisme, à la médecine traditionnelle tibétaine et à un art martial visant à frapper les points vitaux, apparemment d’origine indienne, et particulièrement utile pour se défendre contre les brigands de tout poil que ces moines itinérants rencontraient souvent.


Parvenu à l’âge adulte, Ah Dat-Ta aurait décidé de se retirer dans les montagnes afin de se consacrer pleinement à l’étude des textes bouddhistes et à la méditation mais aussi pour parfaire ses techniques martiales. La légende raconte qu’il fut un jour témoin d’un affrontement entre un grand singe et une grue. Contre toute attente, l’oiseau aurait réussi à mettre en fuite le primate par de grands mouvements d’ailes accompagnés de frappes précises et rapides. Cette scène aurait été déterminante dans l’élaboration du nouveau style de combat que le moine allait mettre au point : un style connu d’abord sous le nom de « Véritable essence des huit caractères », puis un peu plus tard comme le « Rugissement du lion », en référence à la vigueur, à la force et au courage du royal félin. Ce style comprenait initialement 8 coups de pied, 8 coups de poing, 8 postures, 8 techniques de doigt, 8 méthodes de saisie…

De retour au monastère, Ad Dat-Ta aurait enseigné son art à d’autres moines, lui permettant ainsi de se diffuser bientôt dans les temples du Tibet et du Qinhai.


Retour vers la Chine

Générations après générations, le style se serait perfectionné mais seule une poignée de moines auraient eu à chaque époque le privilège de le connaître dans son intégralité. C’est le lama tibétain Sing Lung qui, au 19e siècle, se serait vu confier par son maître vieillissant la mission de le diffuser en Chine, en raison de son remarquable niveau en Wushu mais aussi de ses origines chinoises – il était du Qinhai comme Ah Dat-Ta.


Sing Lung aurait donc parcouru la Chine en direction du Sud à partir des années 1840. Il aurait enseigné dans les temples ce style que les Chinois vont bientôt appeler le Lama Pai, le style du lama.


Arrivé dans la province du Guangdong, Sing Lung aurait décidé de transmettre le Lama Paiintégral à un certain Wong Yan Lam. Les circonstances de leur rencontre comme l’âge et la personnalité de cet homme sont mal connus – ou plus exactement, diverses versions coexistent.

Fort de cet enseignement, Wong aurait quitté et travaillé pendant quelques années comme garde du corps. La légende raconte que sa maîtrise exceptionnelle l’aurait précédé partout où il allait, lui épargnant de nombreuses attaques. Au fil de ses voyages, il aurait côtoyé plusieurs maîtres d’arts martiaux et se serait même engagé dans le mouvement révolutionnaire visant à renverser la dynastie mandchoue des Qing, au pouvoir en Chine depuis le 17e siècle. Ses nombreux actes de bravoure lui auraient valu le surnom de « HAP » : chevalier ou héros.


De retour à Canton, il aurait décidé d’ouvrir une école pour enseigner le Lama Pai. Pour se faire connaître, il aurait fait construire une grande scène en bois (Lei Tai) et annoncé qu’il accepterait de combattre n’importe qui durant les 18 jours suivants afin de démontrer l’efficacité du Lama Pai. Vainqueur de tous ses combats, il aurait ensuite joué un rôle dans l’organisation des célèbres « Dix Tigres de Canton », les dix meilleurs artistes martiaux désignés par leurs pairs.


Style Hong Quan(Hung Gar)

Comme la plupart des boxes du Sud, le style Hung Gar se réfère au mythe de Shaolin du Sud pour expliquer ses origines. Selon la légende - mais les recherches historiques les plus récentes démontrent le contraire, le temple de Shaolin aurait été incendié en 1768 par les soldats du gouvernement des Qing qui le considérait comme un foyer de rebelles. Seule une poignée de moines (les « cinq ancêtres ») seraient parvenus à s’enfuir vers le Sud de la Chine pour créer un nouveau temple dans la province de Fukien. L’un d’eux, Maître Gee Sin Sim Si, devenu le chef spirituel du temple, aurait transmis les techniques de l'art shaolin à de nombreux disciples, dont Hung Hei Gun, le fondateur du Hong Quan.

Très puissant, ce style est l’une des plus importantes boxes de Shaolin. Maître Liang a reçu cet enseignement de l’un des héritiers directs de Hung Hei Gun.


Les origines

Hung Hei-Gun (en cantonais) ou Hong Xiguan(en mandarin) serait né dans la province de Guangdong. La légende lui réserve une généalogie prestigieuse : élevé dans une famille royale éloignée, il serait un descendant du prince Liang (Zhu Wenzhong), le quinzième fils de l'empereur Chongzhen des Ming.

Très engagé dans la résistance contre la dynastie mandchoue Qing qui, depuis 1644, contrôle la Chine, Hung Hei Gun aurait changé son nom « Jyu » en « Hung », en hommage au premier prestigieux empereur Ming (Hung Mo), afin de cacher sa véritable identité et se soustraire aux poursuites.


D’abord négociant en thé, Hung aurait rejoint le temple Shaolin de Fukien avec d'autres rebelles pour échapper aux Qing. Il y aurait appris la boxe shaolin avec Gee Sin Sim Si, spécialisé dans le style du tigre. Ce style convenant parfaitement à sa morphologie et à son tempérament, il serait rapidement devenu le meilleur élève du moine. De nouveau menacés par le pouvoir, moines et rebelles auraient fui de nouveau vers le Sud, cachés au sein d’une troupe d'opéra chinois itinérante. La légende raconte qu’ils se seraient alors jurés de répandre l'art shaolin et de lutter contre les Qing. Leur mot d’ordre, « renverser les Qing et restaurer les Ming », serait à l'origine de la création des triades.


Au cours de ses voyages, Hung aurait épousé Fong Wing Chun (à ne pas confondre avec Yim Wing Chun, créatrice du Wing Chun), une experte du style de la grue. Elle aurait enseigné ce style à son époux qui aurait combiné les mouvements doux et fluides de la grue à ceux simples et puissants du tigre de Shaolin.


Bravant l’interdiction de pratiquer le Kung Fu, Hung aurait enseigné secrètement son art au temple du Grand Bouddha de la province de Guangdong avant de créer sa propre école à Canton lorsque cette pratique fut de nouveau autorisée. Il aurait baptisé son art « Hung Gar » ou « Hong jia quan » (Boxe de la famille Hung) afin de cacher aux Manchous son lien avec le Temple Shaolin. Devenu l'un des meilleurs pratiquants d'arts martiaux, Hung Hei Gun serait mort vers 90 ans.


Style Chang Quan

À la différence du Hap Quan ou du Hong Quan, le Chang Quan n‘est pas un style traditionnel.

Il est en fait la synthèse moderne de plusieurs anciens styles du Nord, créée à l’époque de la Chine populaire. En effet, cette dernière, d‘abord méfiante à l‘égard des arts martiaux traditionnels – jugés potentiellement subversifs, a rapidement perçu l’intérêt de ces pratiques pour exalter le sentiment patriotique. Elle en a fait une discipline sportive et pour mettre en place des compétitions, a encouragé la création de formes standardisées, à l’instar du Chang Quan. Les compétiteurs pouvaient ainsi être jugés sur des enchaînements équivalents.